Dis…toi, oui, toi, celui ou celle qui gère nos vies comme un enfant décide quel playm@bil va se faire manger par un dragon…c’est encore loin ? Je veux dire : c’est encore loin, le bout du tunnel ?
Il y a 2 ans et demi Monsieur Papa était un rescapé. Il l’est toujours. Vichnou merci. On ne peut pas vraiment en dire autant de notre couple…. A 47 ans et à 8 ans et demi du coup de foudre qui nous réunissait Monsieur Papa et moi, on peut dire que je suis une femme pas vraiment heureuse, pas vraiment épanouie, éteinte, fatiguée, voire épuisée.
Partager la vie de quelqu’un qui survit au cancer c’est partager sa vie avec un humain qui ne sera plus jamais comme avant. Moi mon survivant est devenu profondément égoïste, désabusé, malheureux, agressif, dépressif. Il consulte depuis peu. Il s’en fout, il n’aime pas les psy(-chologues -chiatres -chanalystes), il n’aime plus sa vie, il est devenu l’ombre de lui-même depuis que son membre viril ne l’est plus. Même s’il fait partie des 5% de patients qui réagissent aux placébos et ont de grandes chances de recouvrir tout ou partie de leurs activités sexuelles. Moi je suis une épave, une femme qui s’éteint, qu’on éteint, une mère qui n’a plus de patience, qui s’englue dans le quotidien, qui se demande si elle sera à nouveau heureuse, si elle l’a jamais mérité.
Depuis un et demi j’enseigne, j’ai passé le cap du jury interne qui recrute les suppléants dans le privé, et c’est ma seconde rentrée dans une classe de GS/CP. En ZEP, je me donne à fond, et rentrée à la maison je ne reçois aucun mot de réconfort ni d’encouragement. Mes heures passées à préparer mon travail de classe dérangent, je ne suis plus disponible, alors je suis à ses yeux égocentrique…Si seulement il savait, s’il avait vu mes parents, enseignants, se motiver mutuellement, se féliciter des travaux effectués, des résultats obtenus. S’il savait seulement combien je souffre d’être si mal aimée.
A quoi sert de le dire ?, je l’ai tant dit, après avoir patienté, après avoir soigné, consolé, rassuré, pansé les plaies que je pouvais atteindre. Je l’ai écrit. Je l’ai crié. Je l’ai murmuré et j’ai tant pleuré. Je pleure même là, en écrivant, seule dans mon bureau, enfin seule…tandis que père et fille se promènent.
Ma fille, 6 ans et demi bientôt, qui a fait sa rentrée en CP/CE1, avec 4 autres du même âge et pour qui cette année les emmènera directement en CE2. Ma fille qui comprend tant de choses, qui est devenue infernale, qui jette à la figure de son père qu’elle le déteste, et que moi aussi je lui casse les pieds. Consulter? Bien évidemment…pour s’entendre dire que tout cela est mauvais, ces disputes, ce mal être d’adultes. Et ensuite… Je lui parle si souvent à ma fille, de ce que nous avons traversé et traverserons encore, de combien nous l’aimons, mais combien nous sommes fatigués, épuisés, et que nous l’entendons. Du moins, je l’entends, Monsieur Papa beaucoup moins.
Fuir au travail tous les matins. Revenir la boule au ventre car il sera sans doute de mauvaise humeur, lui qui comme il le dit fut abattu en plein vol, il s’ennuie, il se sent inutile et en veut à la terre entière.
Attendre que ma chérie soit couchée et dorme, fumer seule dans la cuisine, car il s’endort devant le foot ou n’importe quel programme masculin qui m’horripile, pleurer en silence sur un sudoku et me dire que non, vraiment, je ne sais pas pourquoi je mérite tout cela… Et l’aimer encore…pourtant.